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«Le poisson pour Madame et la viande pour Monsieur ?» : d’où nous vient cette idée que le poisson est «plus léger» et même «maigre» ?
Dans nos habitudes alimentaires, dans nos usages de table (choix des vins, des couverts…), dans les livres de cuisine ou la carte des restaurants, on distingue la viande et le poisson, et même on les oppose : les chrétiens ne faisaient-ils ou ne font-ils pas maigre le vendredi ou pendant le Carême en mangeant du poisson et non de la viande ?
Le texte de Noëlie Vialles* dans le N° 12 des Cahiers de l’Ocha montre comment l’opposition entre viande et poisson est l’héritière de l’opposition entre ascèse et plaisir. Pour Saint Thomas d’Aquin, l’énergie animale incorporée (avec plaisir, un facteur évidemment aggravant !) en mangeant de la viande, si elle n’est pas dissipée dans des travaux pénibles, conduit aux « plaisirs mauvais de la luxure » car, s’accumulant dans le sang du mangeur, elle s’y quintessencie en liqueur séminale. La chasteté et la pudeur, c’est à dire la tempérance sexuelle, dépendent donc de l’abstinence de viande.
A l’inverse de la chair des animaux terrestres et surtout des mammifères qui ressemble de très près à celle des humains, les animaux qui vivent dans l’eau sont « froids et humides » comme le milieu dans lequel ils vivent, ils ignorent les ardeurs sexuelles des mammifères et n’ont pas de sang ou très peu [à condition d’oublier celui des thons qui rend tellement rouges les eaux siciliennes en période de pêche], en tous cas leur sang étant réputé « froid » et la consommation de leur chair étant réputée «procurer moins de chaleur et moins de plaisir» que les produits animaux, elle ne conduit pas le corps à des excès et n’expose l’âme à aucun péril…
*”Des invariants du régime carné”, par Noëlie Vialles, in L’homme, le mangeur, l’animal. Qui nourrit l’autre ?, Les Cahiers de l’Ocha n°12
Sommaire et bon de commande, dans les publications de l’Ocha en Sciences humaines.