Autres cultures, autres moeurs : éducation alimentaire des jeunes enfants dans une population d’Asie du sud-est
Il faut apprendre à manger mais en mangeant on apprend aussi beaucoup des valeurs et des usages propres à la société dans laquelle on vit, au-delà même de l’aspect purement alimentaire. Natacha Collomb, anthropologue, nous décrit et nous donne le sens des pratiques qu’elle a observées dans un village de riziculteurs Tai Dam du Nord Laos.
Cette population sage définit le « savoir vivre » comme l’aptitude à élever de nombreux enfants bien portants et à savoir vivre en couple dans la durée. Et la transmission entre mères y relève moins de conseils ou d’instructions que de « qualités circulant d’une femme à l’autre ». Allaiter les bébés a une telle importance dans le lien social qu’on parle de « prix du lait » pour nommer la compensation matrimoniale versée par le futur époux à ses beaux-parents et en particulier à sa belle-mère. L’allaitement est une pratique longue, en général jusqu’à 18 mois, au moment de la naissance de l’enfant suivant, mais non exclusive. Le plus surprenant pour nous est que le nouveau-né est mis au sein d’une autre femme que sa mère, celui d’une sœur, d’une cousine, voire une voisine, pendant les 3 à 4 semaines suivant la naissance. Ce qui correspond au temps considéré comme nécessaire pour la montée de lait mais cette pratique a d’autres fonctions de l’ordre de la transmission, la jeune mère acquérant presque « par contagion » le savoir faire d’une nourrice choisie pour son « savoir vivre » au sens indiqué plus haut, le nourrisson prenant avec elle « de bonnes habitudes » pour la suite.
Dans cette société composée de maisonnées fréquemment plurinucléaires, les jeunes enfants sont portés, câlinés, consolés par des parents autres que la mère ou le père et même nourris en partie par d’autres seins que le sein maternel, notamment quand la jeune mère part travailler aux champs. L’importance du rôle du père, notamment au moment du sevrage, est notable.
Parents et éducateurs seront également intéressés par la façon dont les jeunes enfants sont associés aux repas familiaux, moins pour y être nourris au moins au début (ce qui est assuré autrement) que pour découvrir et expérimenter le goût des aliments, l’usage des baguettes, etc. De même par le passage, au fil de l’avancée en âge de l’enfant, d’une attitude parentale peu contraignante et adaptée à l’enfant à une exigence parentale d’adaptation de l’enfant aux règles familiales et sociales.
Lire le texte de Natacha Collomb

Sur des thèmes proches dans le site :
– Histoire de l’allaitement, de Didier Lett et Marie-France Morel aux Editions La Martinière : compte-rendu par Maggy Bieulac-Scott
– sur le rôle du père dans le sevrage, le compte rendu par Christy Shields du colloque « L’art de nourrir les bébés »,
– sur l’enfance, les textes de Nourritures d’enfance, ouvrage publié en partenariat Ocha/Editions Autrement,
– sur le lait, les textes de Mémoires lactées, ouvrage publié en partenariat Ocha/Editions Autrement,
– sur les cultures alimentaires, les textes de Mille et une bouches, cuisines et identités culturelles, ouvrage publié en partenariat Ocha/Editions Autrement. [show-attachements]