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Comportements alimentaires

Martine Laville, lauréate du Prix 2006 de la Recherche en Nutrition, décerné par l’IFN

Publié le 02/10/2006

Martine Laville, Directeur du Centre de Recherche en Nutrition Humaine Rhône-Alpes, est la sixième femme lauréate de ce Prix de l’Institut Français de Nutrition qui est remis en 2006 pour la vingt-sixième fois.
Martine Laville est également Professeur des Universités au sein de la Faculté de Médecine de Lyon-Nord et praticien hospitalier à l’Hôpital Edouard Herriot de Lyon.

Ce Prix récompense en Martine Laville à la fois la clinicienne et la chercheuse, et la femme engagée pour la promotion d’un “bien manger” qu’elle définit en termes de plaisir et de culture autant qu’en termes de santé. Les travaux de Martine Laville portent principalement sur les mécanismes moléculaires et nutritionnels du diabète et sur la biodisponibilité des glucides. Elle a participé aux recommandations pour la prise en charge et le dépistage de l’obésité, reconnues ultérieurement par l’ANAES, et au Traité de Nutrition Clinique publié en 2001 chez Flammarion (voir le livre)

Pour la cérémonie de la remise du Prix, Martine Laville avait demandé à Hervé Fleury, Directeur Général de l’Institut Paul Bocuse, d’évoquer le bien manger comme soin et d’ouvrir des pistes pour « ré-enchanter la restauration ». Pourquoi ré-enchanter ? Parce que aujourd’hui, dans une société fondée sur les libertés individuelles et la performance, les repères sont brouillés et que nous sommes alternativement dans des rapports soit de vaine recherche d’unanimité soit de contestation voire dénonciation (la fameuse « mallbouffe » !). Quand manger semble tenir exclusivement de la contrainte, de l’obligation, de la commodité ou du service périphérique, les critères dominants deviennent la rapidité et le moindre coût et on passe à côté de ce que manger veut dire : à côté du rôle de la cuisine et de la table comme éléments structurants de nos vies et valeur ajoutée à notre quotidien. Contre l’assèchement de nos sensibilités et la banalisation de l’acte de manger, Hervé Fleury prône la fermeté en matière de respect des manières de table, de respect des règles et des rituels. Car c’est de symbolisation dont nous avons besoin. Manger, c’est se relier à la nature à travers des produits, des paysages, des paysans, des recettes. On mange du sens et prendre soin du bien manger, c’est être capable de proposer un bon chemin de vie ; à l’inverse d’autres domaines, c’est transmettre une tradition qui passe toujours par un corps, par un visage, par une personne, par du temps, par de l’émotion. Ré-enchanter l’acte de manger est une question posée à l’intelligence du cœur, une ouverture toujours nouvelle sur autrui. Il y a là un grand luxe ? « Mais c’est d’aimer dont on parle », conclut Hervé Fleury.

Hubert Vidal, Directeur de recherche à l’Inserm, avec qui Martine Laville travaille en nutrigénomique, a présenté cette nouvelle façon de voir l’adaptation à la nutrition. Les recherches en cours – sur des jeunes hommes minces et sur des sujets en surpoids soumis à une surnutrition lipidique – visent à mieux comprendre les mécanismes en jeu lors d’une modification des apports caloriques sous forme lipidique. Elles devraient permettre d’envisager de nouvelles approches thérapeutiques ou préventives de l’obésité par la nutrition. Sachant que, comme l’a exposé Martine Laville, rien n’est simple en physiologie et vouloir simplifier pour être mieux entendu et compris c’est s’exposer à être réducteur et à risquer des interprétations fausses, voire délétères. Elle a choisi pour illustrer son propos l’exemple de l’index glycémique qui classe les aliments en fonction de la glycémie obtenue dans les 2 heures après l’ingestion de 50 g d’équivalent glucose du produit, ce qui conduit à des tables de classement complexes et à des dérives déplorables telles que l’étiquetage nutritionnel en forme de feu rouge ou vert. Ses recherches ont montré que les évènements métaboliques de la phase post-prandiale après ingestion de glucose ou de céréales ne se limitent pas aux 2 heures après ingestion ni aux simples valeurs de glycémie. L’index glycémique ne prend pas en compte l’ensemble des évènements de la phase post-prandiale. Par ailleurs, comme on consomme non pas des aliments mais des repas, les interactions entre aliments modulent la réponse métabolique et l’index glycémique du repas n’est pas la somme des index glycémiques des aliments qui le composent.
Photo : DR IFN/J.-F. Bernard-Sugy