Ouvrages

Culture représentation et modernité

Manger magique

Publié le 15/04/2003
Collections : Mutations/Mangeurs N°149
Éditeur : Autrement
Nombre de pages : 201

Aliments sorciers, croyances comestibles

Lorsque nous disons “vous avez mangé du lion ce matin”, c’est façon de parler mais aussi de penser. Cette pensée relève d’une logique magique, plus profondément ancrée en nous et plus universelle que nous ne voulons le croire. En incorporant un aliment, nous incorporons analogiquement certaines de ses caractéristiques imaginaires, physiques ou morales : la viande rouge est réputée communiquer de la vigueur. Jean-Jacques Rousseau disait que les Anglais, amateurs de rosbif saignant, étaient un peuple grossier et brutal. Et les carnivores ne sont pas loin de croire que les végétariens, à ne manger que des légumes, se font du sang de navet…

Or, tout se passe comme si le cours même de la modernité favorisait la résurgence de cette pensée archaïque de la contamination et de la similarité : régimes miracles, vogues médicales et diététiques entretiennent une cacophonie anxiogène et culpabilisante tout en y puisant leur énergie.

La science en ses institutions n’obéit-t-elle pas parfois à des tendances proches lorsqu’elle croit, par exemple, pouvoir modifier, comme par un coup de baguette magique, les habitudes alimentaires de populations entières ? Au nom de ce qu’elle pense être la vérité, la recherche échappe-t-elle toujours à tout glissement ou dérapage ?