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Comportements alimentaires

“Pensée magique et alimentation aujourd’hui”, colloque international Ocha, octobre 1994

Date

Nous sommes tous des
« penseurs mangeurs magiques »

Une vingtaine de chercheurs français et internationaux de très haut niveau, seront réunis en colloque à Paris les 19 et 20 octobre prochain à l’initiative de l’OCHA (Observatoire Cidil de l’Harmonie Alimentaire sous la conduite de Claude Fischler.
Thème de ce colloque ? La pensée magique et l’alimentation aujourd’hui. Pour ces experts, apparente ou masquée, la pensée magique est présente en chacun de nous et elle perce parfois sous nos raisonnements, y compris ceux qui se veulent les plus « scientifiques », tout particulièrement dans le domaine alimentaire.

Qu’est ce que la Pensée Magique ? Difficile à cerner car ses formes sont multiples. Elle consiste à attribuer des effets à un acte ou à un objet tout en « mettant entre parenthèses » les mécanismes entre l’effet et la cause. Par exemple : beaucoup d’entre nous hésiteraient à déchirer la photo d’un être cher. Pourquoi ? Parce que, sans vraiment nous l’avouer, nous craignons que l’acte accompli sur l’image n’entraîne des effets néfastes sur la personne représentée. C’est le principe magique dit de similitude :
l’image égale l’objet.
Ou encore : lorsque nous disons «vous avez mangé du lion ce matin » à qui manifeste un entrain particulier, c’est bien sûr une façon de parler mais aussi une façon de penser, qui relève d’une logique magique. En absorbant quelque chose, on absorbe aussi les caractéristiques, physiques et immatérielles, de l’objet absorbé. Il existe plusieurs variantes de ce dernier type de croyance. Citons pour exemple : « la viande saignante rend vigoureux, les végétariens sont tristes, ils ont du sang de navet ».

Il est commode de croire, comme les explorateurs du XIXe siècle ou les premiers anthropologues, que cette manière de penser n’existe que chez les « sauvages », les ignorants ou à certaines périodes du développement de l’enfant. On a prouvé expérimentalement sa présence chez les « civilisés ». D’ailleurs, la publicité fonctionne volontiers sur ces mécanismes : avec une orange du Maroc, nous absorbons du soleil méditerranéen et qui mange une barre Lion, à la fin du spot, rugit comme un lion.

Si la part de magie est particulièrement vivace pour tout ce qui touche à l’alimentation, c’est sans doute parce que le rapport à la nourriture touche, chez nous, au plus intime. Consommer un aliment, ce n’est pas seulement le consumer, le détruire ; c’est le faire pénétrer en soi, le laisser devenir soi, l’incorporer.

De plus, dans l’abondance alimentaire qui caractérise le monde développé, nous sommes confrontés au problème inédit du choix : un
choix qui nous tiraille entre désir et culpabilité, pour lequel nous ne sommes plus soutenus par le tissu des coutumes et des traditions. Si bien que l’anxiété nous gagne et que les questions posées par l’abondance moderne suscitent des réponses archaïques : si on mange du lion, on devient lion, mais si on mange… des hormones ? Ou du cholestérol ?

La pensée magique est présente en nous tous. Nous la réprimons, nous l’ « habillons », nous la rationalisons. Mais il ne suffit pas de la déguiser sous des oripeaux scientifiques pour en être préservé. C’est pourtant ce que nous faisons souvent et les scientifiques eux-mêmes, parfois, la maîtrise mal. Le fait de traiter comme des poisons certains aliments (le sucre, la viande, le gras), au motif que, chez certains individus, à certaines doses, ils semblent présenter certains risques, le fait de faire peser sur eux et sur ceux qui les mangent, un jugement moral, tout cela met en jeu certains des ressorts de la pensée magique.

La démarche scientifique doit tenir compte de l’existence de ce fonds commun magique, non le nier ou l’ignorer. C’est la condition à remplir pour pouvoir, notamment, vivre de façon moins anxieuse, moins dramatique, notre relation à notre alimentation et à notre santé.

Questions/Réponses – En matière d’alimentation, personne n’est à l’abri de la pensée magique.

Dossier d’information (268 Ko)