Post

Annie Hubert, grande anthropologue de l’alimentation, notre amie, nous a quittés.

Publié le 16/06/2010

Elle avait été lauréate en 2005 du Prix de la recherche en Nutrition de l’IFN (lnstitut Français de Nutrition). L’hommage qui lui avait été rendu avait permis de mieux connaître cette femme aussi discrète que remarquable, citoyenne du monde née en Uruguay, élevée en Argentine, ayant vécu aux USA, en Asie, au Groenland, parlant un nombre incroyable de langues dont le Thai, le Lao et l’Indonésien. Une créole dans tous les sens du mot et une militante joyeuse de la créolisation du monde. Annie Hubert avait un talent rare pour la joie de vivre et l’amitié. Sa passion de la recherche ne l’empêchait pas d’aimer les plaisirs de la vie simple, la sérénité et les senteurs du causse du Lot où elle faisait nombre de confitures pour le régal des gourmands de son entourage. Elle aimait aussi écrire pour le grand public, c’est à dire pour tous, et partager ses connaissances mais aussi son expérience personnelle de la vie. Ainsi son “Eloge de la maturité” aux Editions Aubanel, période de la vie dont elle parlait comme de”la belle saison de la vie des femmes”, une saison où “vieillir, c’est encore grandir”.

Dans les années 1980, Annie Hubert avait consacré quatre ans à une grande enquête anthropologique, presqu’une enquête policière, en collaboration avec le cancérologue et virologue Guy de Thé. Cette enquête avait permis de comprendre la cause du cancer du rhino-pharynx en trouvant le facteur commun dans l’alimentation des trois populations les plus atteintes de ce cancer, les Chinois du sud, les Inuits et les Tunisiens – des techniques de conservation des aliments par fumage, salage et séchage – alors que tous les travaux de recherche épidémiologiques “classiques” avaient échoué. Avec l’Ocha, Annie Hubert avait dirigé en 2003 le colloque “Corps de femmes sous influence. Questionner les normes” et plus récemment co-dirigé la recherche AlimAdos sur l’alimentation des adolescents, une recherche de l’Ocha avec deux laboratoires du CNRS en Alsace et Paca.

Ces dernières années, Annie Hubert avait travaillé à nouveau sur le cancer en mettant les méthodes de l’anthropologie au service d’une médecine plus humaine à travers l’écoute des relations soignés-soignants et du vécu des traitements par les patients. Dans une interview donnée au Journal du CNRS, Annie Hubert constatait que s’était produit, voilà quelques années, « une sorte de déverrouillage du monde des médecins cliniciens qui était jusqu’alors très rigide et somme toute assez indifférent à la dignité et au vécu quotidien des malades et de leur famille. (…) Nous rattrapons enfin notre retard, dans ce domaine, sur les Anglo-Saxons. » Et elle se félicitait que, dans les établissements hospitaliers, les oncologues, en particulier les plus jeunes, portent un regard innovant sur leur pratique. « Beaucoup d’entre eux attendent des sciences sociales qu’elles les aident à découvrir ce qu’ils ne voient pas, ce qu’ils ne voient plus ou ce qu’ils n’auraient jamais imaginé voir pour, au bout du compte, améliorer ce qui peut l’être encore, qu’il s’agisse de l’organisation des soins, de l’ergonomie des services, de l’accompagnement en fin de vie… “.

Lire la biographie d’Annie Hubert

Lire le compte-rendu de la remise du Prix de Recherche de l’IFN à Annie Hubert en 2005

Lire l’interview d’Annie Hubert dans le Journal du CNRS